L'autre est
toujours plus riche, intelligent, beau, séduisent que moi. Mieux
élevé, hébergé, habille, employé.
L'autre
est le premier qui arrive et le dernier qui part. Jamais en retard ou
trop pressé. On peut l'appeler pour une bière, un dîner, une
soirée branchée, l’enterrement d'un vieux grand-père. Il est là
pour nous, l'autre. Il est sensible, philanthrope, plein d'humour et
d'esprit d'initiative.
L'autre
est un être parfait, altruiste, courageux et tenace. Il cherche
chaque jour un nouveau défi, il accepte l'incertitude du futur et le
poids lourd du passé. Il est né pour faire, l'autre. Il a grandi
responsable et gai. Aimé pas son père, sa mère, son chien, son
chef, ses amis et ses ennemis.
Il
joue le rôle du protagoniste, il est le héros de sa propre vie.
L'autre
vient de gagner le trône de l'histoire.
Moi,
je reste l'écart de lui. Je le regarde de loin en espérant de ne
pas être vu. Je
prends pour moi ce qu'il laisse: les soleils, des grosses
matinées d'hiver, la solitude et le silence après la perte, le
manque de mots, un amour pas encore rencontré, une pensée mal
posée.
Mes
jours imparfaits et impénétrables. Un souri volé au coin de la
rue, une promesse non tenue à mon frère et notre enjouement
enfantin du samedi soir où nous avons une table réservée pour
fêter notre rencontre.
Ce
qui reste de l'autre, c'est ma vie.